Avez-vous déjà essayé de vous coiffer
avec un râteau ? De manger un petit suisse avec une pelle à tarte ?
De jouer au football avec un ballon de rugby ?
Eh bien, égaliser correctement les
ongles de Noé avec un simple coupe-ongles relève du même exploit.
Pourtant, l’opération devient urgente.
Le bonhomme commence à ressembler à Edward aux mains d’argent. Il risque de se
trancher le pif dès qu’il se gratte la narine. Un tripatouillage de pomme
d’Adam équivaut à une tentative de sectionnement de l’artère carotide. Mais ce
geste hygiénique n’est pas aussi anodin qu’il paraît. Les doigts qui se
trouvent dans le prolongement des ongles ne cessent de remuer, comme si Noé
était devenu un pianiste fou s’acharnant sur le clavier. Et le corps suit le
mouvement. Un Gilbert Montagné sous ecstasy, les cheveux nettement moins longs.
Le père étant bon prince et un brin
lâche, il laisse la mère se coller à cette mission hautement dangereuse.
Etape numéro un : Noé est
royalement calé dans le transat. Débordant d’illusions sur la bonté du monde,
il ne se doute de rien, décoche un sourire à qui capte son regard.
Etape numéro deux : la mère prend
doucettement la main droite de sa progéniture, arme le coupe-ongles et lance
une première attaque vers le pouce. Noé est toujours détendu. Dieu que la vie
est belle !
Un « clic » fend le silence de
la salle de séjour. Noé sourit toujours.
Second « clic » : le
visage de Nono se fige. Le sourire s’évapore instantanément dans un geyser de
larmes. Tous les regards convergent vers le pouce. Tramontane de panique chez
les parents : LE DOIGT !!!! Oh
là là ! Mais où il est passé ? Ah, il est là, il a roulé sous la
table. Vite, ramassons-le et mettons-le dans la glace, le toubib pourra
peut-être le recoudre !… Mais non, on rigole ! Le pouce est seulement
entaillé. Il pleure le sang, juste une perle écarlate (c’est plus beau et moins
inquiétant que d’écrire « Il se vide »).
Mais voyons le bon côté de la
situation : au-delà de la douleur, ce dérapage de coupe-ongles donne à Noé
l’occasion d’arborer fièrement son premier pansement, une poupée de tissu aéré
résistant et de coton badigeonné de biseptine® : pas très pratique pour
faire de l’auto-stop mais l’hémorragie est jugulée. La mère peut arrêter de
pleurer, son fils survivra.
Allo quoi ! nan mais allo la DDASS !
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